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Comment le changement climatique va impacter la vie d’un enfant né en 2019? – Rapport Lancet 2019 (2/2)
Le rapport lancet countdown 2019 a été publié le mois dernier. Intitulé « The 2019 report of The Lancet Countdown on health and climate change: ensuring that the health of a child born today is not defined by a changing climate », il a été rédigé par des expert issus de 35 institutions, dont l’OMS (Organisation mondiale de la santé), la Banque mondiale et différentes universités. Il fait un tour d’horizon de l’impact que le changement climatique aura de façon direct ou non sur la vie d’une personne née en 2019 si aucune mesure efficace n’est prise rapidement. Je vous invite a lire la première partie ici qui traite des conséquences et de l’adaptation au changement climatique puis de revenir à cet article qui développe les actions possibles et en cours au niveau économique, énergétique et politique.
Mesures de réduction de l’énergie et avantages connexes pour la santé
Émissions du système énergétique
En 2018, l’intensité en carbone du système énergétique est restée inchangée par rapport à 1990. Cependant, les émissions de gaz à effet de serre provenant de la combustion de combustibles fossiles ont augmenté de 2,6% entre 2016 et 2018. Limiter le réchauffement à 1,5 ° C nécessiterait une réduction annuelle de 7,4% de 2019 à 2050.
L’approvisionnement total en énergie primaire provenant du charbon a augmenté de 1,7% entre 2016 et 2018, sous l’effet de la croissance en Chine et dans d’autres pays asiatique. Il est le 2e contributeur après le pétrole au mix énergétique et la première source d’électricité mondiale.
La réduction rapide de l’utilisation du charbon jusqu’à l’arrêt total est essentielle pour respecter les engagements de l’Accord de Paris. Par exemple, une réduction d’au moins 80% de l’utilisation du charbon de 2017 à 2050 (un taux de réduction annuel de 5,6%) correspond à une trajectoire de 1,5 ° C. En contradiction total avec la sortie des États-Unis des accords de Paris.
En 2018, les énergies renouvelables continuent de représenter une part importante (45%) de la croissance de la production électrique, avec 27% de croissance d’origine éolienne et solaire. En 2016, l’électricité à faibles émissions carbone représentait 32% de la production totale dans le monde. Les énergies renouvelables ont représenté 45% de la croissance de la production d’électricité en 2018, et l’énergie solaire continue de croître à un taux de 30% par an (mais ne représente que 2% de la production mondiale totale).

Consommation d’énergie primaire dans la zone OCDE, bois exclu, depuis 1965.
« New Renewable » = toutes les renouvelables sauf le bois et l’hydroélectricité.
On note un maximum – pour l’heure – en 2007 (soit un an avant Lehman Brothers). Compilation de l’auteur sur données BP Statistical Review 2018
Accès et utilisation de l’énergie propre
Près de 3 milliards de personnes vivent sans accès à des combustibles propres, et seulement 7,5% des ménages dans les pays à faible revenu déclarent utiliser ces combustibles. Au niveau mondial, on estime que 3,8 millions de décès par an sont imputables à la pollution atmosphérique.
En 2016, la part mondiale d’utilisation d’énergie propre dans le secteur résidentiel s’élevait à environ 24%. La biomasse solide, qui contribue aux maladies respiratoires et cardiovasculaires imputables à la pollution atmosphérique des ménages représenterait 36% de la consommation totale d’énergie du secteur résidentiel.
Pollution de l’air, transport et énergie
L’exposition à la pollution de l’air ambiant, principalement les particules fines, constitue le plus important facteur de risque mondial de mortalité prématurée et entraîne plusieurs millions de décès prématurés dus aux maladies cardiovasculaires et respiratoires chaque année.
Les citadins sont toujours exposés à une pollution atmosphérique élevée, 83% des villes dépassant les concentrations de sécurité recommandées par l’OMS. La consommation d’énergie, en particulier la combustion résidentielle, est un facteur majeur de cette pollution
En 2016, 2,9 millions de décès prématurés dans le monde ont été associés à la pollution ambiante, avec une amélioration minimale de la mortalité globale à partir de 2015. Sur une décennie, des améliorations ont été constatées dans certaines régions grâce à des contrôles efficaces des émissions, en particulier d’origine industrielle.
Transport durable et sain
La consommation mondiale de carburant par transport routier a augmenté de 0,7% entre 2015 et 2016 par habitant. Les combustibles fossiles continuent de dominer en tant que principal carburant de transport, mais leur croissance est tempérée par l’augmentation rapide des biocarburants et de l’électricité.
Les carburants utilisés dans les transports produisent actuellement plus de la moitié des oxydes d’azote émis dans le monde et une proportion substantielle de particules, posant un risque important pour la santé humaine, en particulier dans les zones urbaines.
Encourager les déplacements actifs (en particulier le cyclisme) est devenu de plus en plus essentiel dans la planification des transports, et de plus en plus d’éléments suggèrent que les infrastructures de pistes cyclables, si elles sont correctement conçues et mises en œuvre, peuvent accroître le cyclisme dans différents contextes.

https://bicycledutch.wordpress.com/2013/03/28/amsterdam-bicycle-rush-hour/
Des cyclistes à Meester Visserplein dans Amsterdam.
Émissions provenant de l’élevage et de la production végétale
L’obésité et la dénutrition représentent deux grands défis pour la santé publique mondiale et ces deux formes de malnutrition ont de nombreux facteurs systémiques communs liés au changement climatique (article à venir!). Les émissions de gaz à effet de serre du secteur de la santé représentaient environ 4,6% des émissions totales mondiales.
Une consommation excessive de viande rouge contribue au risque de maladie cardiovasculaire et de diabète de type 2, ainsi qu’à une augmentation importante des émissions de gaz à effet de serre.
Les émissions globales du bétail ont augmenté de 14% depuis 2000 pour atteindre plus de 3,2 GtCO2e en 2016.
Les émissions totales issues de la production végétale ont augmenté de 10% depuis 2000 pour atteindre environ 2 GtCO2e en 2016.
Conclusion
Les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter. L’année 2020 est importante pour deux raisons: c’est l’année de mise en œuvre de l’Accord de Paris et l’année au cours de laquelle la plupart des études suggèrent que les émissions mondiales doivent atteindre leur maximum pour rester sur la voie de l’objectif de 1,5 ° C. 1,5 ° C est l’objectif initial mais une étude parut une semaine après ce rapport montre qu’il est déjà trop tard pour cet objectif, qu’il faut donc plutôt revoir à 3 ° C maintenant. Notons aussi que le rapport a été publié avant que Donald Trump n’engage son retrait officiel de l’accord de Paris, ce qui ne va évidemment pas aider à maintenir ce cap. Pour respecter ces deux engagements, il est urgent de mettre en place une réponse mondiale nettement plus forte afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de minimiser les risques futurs du changement climatique pour la santé. Le secteur de la santé a un rôle important à jouer dans la réalisation de ces objectifs, à la fois en réduisant ses propres émissions et en collaborant avec les décideurs pour aider à concevoir et à appliquer des mesures visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à maximiser les avantages connexes pour la santé.
Économie et finance
Pertes économiques associées au changement climatique
En 2018, 831 événements extrêmes liés au climat ont entraîné des pertes économiques globales de 166 milliards de dollars US. Bien que la plupart des pertes se soient produites dans des pays à revenu élevé et soient assurées, aucune perte mesurable résultant d’événements dans des pays à faible revenu n’a été couverte par une assurance.
En Europe, des diminutions de la pollution atmosphérique due aux particules résultant de l’activité humaine ont été observées de 2015 à 2016. Si l’évolution de la pollution au cours de ces 2 années restait la même tout au long de la vie d’une personne, cette différence entraînerait une sauvegarde moyenne annuelle de 5,2 milliards d’euros au vue du nombre d’année de vie perdue épargnées, une année de vie correspondant approximativement à 50 000€ (estimation à la limite inférieure suggérée par les lignes directrices de l’UE en matière d’évaluation d’impact).
Investissements dans l’énergie zéro carbone et l’efficacité énergétique
En 2018, les investissements dans l’énergie zéro carbone représentaient 20% des investissements totaux dans le système énergétique mondial. D’ici 2030, les investissements dans les énergies zéro carbone devraient représenter au moins 65% du total des investissements annuels.
Les investissements mondiaux dans les nouvelles capacités de production d’électricité à partir de charbon ont encore diminué en 2018, poursuivant ainsi la tendance à la baisse observée depuis 2011. Baisse qui pourrait augmenter désormais au vus de l’affirmation de Donald Trump « Nous avons mis fin à la guerre contre notre magnifique charbon propre ».

Investissements dans l’énergie à faible émission de carbone et l’efficacité énergétique
Les tendances dans les investissements énergétiques vont actuellement dans la mauvaise direction. En 2018, les investissements dans les combustibles fossiles ont augmenté, tandis que ceux dans les énergies à faible émission de carbone ont diminué.
En 2018, les énergies renouvelables ont généré 11 millions d’emplois, soit une augmentation de 4,2% par rapport à 2017. L’emploi dans les industries d’extraction de combustibles fossiles a également augmenté pour s’établir à 12,9 millions, soit une augmentation de 2% par rapport à 2017.
La valeur globale des nouveaux fonds engagés pour le désinvestissement en combustibles fossiles en 2018 s’élevait à 2 135 000 milliards de dollars US, dont 66,5 millions d’USD pour les établissements de santé; Cela représente une somme cumulée de 7 943 milliards de dollars US depuis 2008, dont 42 milliards d’institutions de santé pour 42 milliards de dollars US.
Tarification des émissions de gaz à effet de serre provenant des combustibles fossiles
En 2018, les subventions à la consommation de combustibles fossiles ont augmenté pour atteindre 427 milliards USD, soit plus d’un tiers de plus que les subventions de 2017.
Les instruments de tarification du carbone au début de 2019 continuent de couvrir 13,1% des émissions anthropiques mondiales de gaz à effet de serre, mais les revenus provenant des instruments de tarification du carbone ont augmenté de 10 milliards USD entre 2017 et 2018, pour atteindre 43 milliards USD, dont 24,4 milliards USD alloués à la poursuite des activités d’atténuation du changement climatique.
Conclusion
Les résultats suggèrent que la transition vers une économie mondiale à faibles émissions de carbone ralentit dans divers secteurs et que les tendances précédemment prometteuses soulignées dans le rapport de 2018 ont été inversées. Compte tenu de la nécessité de faire passer l’économie mondiale à zéro émission de gaz à effet de serre d’ici 2050 afin de limiter le réchauffement à une température inférieure à 3 ° C, les gouvernements à tous les niveaux – en collaboration avec le secteur privé et la population – doivent prendre des mesures immédiates pour mettre en œuvre des politiques ambitieuses et des actions connexes pour orienter et accélérer rapidement leurs économies vers un État sobre en carbone.
Engagement public et politique
Couverture médiatique de la santé et du changement climatique
La couverture médiatique à propos de la santé et du changement climatique a continué d’augmenter entre 2007 et 2018, la presse mettant l’accent sur les impacts du changement climatique sur la santé et les avantages connexes des mesures prises pour lutter contre le changement climatique. Hélas, La tradition journalistique d’apporter deux opinion favoris aussi le temps de parole des climato-sceptiques (voir notre article Comment les médias déforment la science ?).
Engagement individuel, gouvernementaux et privé en faveur de la santé et du changement climatique
Lorsque les individus recherchent des informations dans les domaines de la santé et du réchauffement climatique, ils sont principalement motivés par un intérêt initial pour la santé.
Aujourd’hui, les dirigeants nationaux attirent de plus en plus l’attention sur la santé en lien direct avec le changement climatique lors du débat général de l’ONU. Cette tendance a été menée par les petits États insulaires en développement, qui représentaient 36% du nombre total de pays faisant référence à la santé et au changement climatique en 2018.
Cependant, l’engagement reste faible parmi les entreprises du Pacte mondial des Nations Unies, y compris les entreprises du secteur de la santé.

Conclusion
L’engagement de tous les secteurs de la société est essentiel si l’on veut que l’action sur le changement climatique soit mobilisée et soutenue. On peut tirer deux grandes conclusions des analyses.
Premièrement, l’engagement dans les domaines de la santé et des changements climatiques a augmenté au cours de la dernière décennie, la tendance à l’engagement des médias et du gouvernement étant plus prononcée que celle des entreprises. Lors du forum mondial de l’Assemblée générale des Nations Unies, un nombre croissant de pays se préoccupent du lien santé-changement climatique. Menés par les petits États insulaires en développement, ces pays soulignent les inégalités nord-sud en matière de responsabilité et de vulnérabilité vis-à-vis du changement climatique et de ses effets néfastes sur la santé. La tendance pour le secteur des entreprises est différente; il ne présente pas de pics d’engagement liés à la gouvernance mondiale de la planète.
Deuxièmement, bien que l’engagement ait augmenté au cours de la dernière décennie, le changement climatique est représenté d’une manière qui ne le lie pas à la santé humaine. Dans l’esprit du public, la santé et le changement climatique représentent des domaines de connaissances et d’inquiétude distincts et si des liens sont établis entre les deux domaines, cela est motivé par un intérêt pour la santé plutôt que par le changement climatique.
Références
Jean-Marc Jancovici : https://edition.cnn.com/2019/11/13/health/climate-change-health-study/index.html
The 2019 report of The Lancet Countdown on health and climate change: ensuring that the health of a child born today is not defined by a changing climate : https://www.thelancet.com/action/showPdf?pii=S0140-6736%2819%2932596-6
The Production Gap2019 ReportThe discrepancy between countries’ planned fossil fuel production and global production levels consistent with limiting warming to 1.5°C or 2°C : https://wedocs.unep.org/bitstream/handle/20.500.11822/30822/PGR19.pdf?sequence=1&isAllowed=y
Mr Mondialisation: https://mrmondialisation.org/ecocide-de-la-planete-comment-en-est-on-arrive-la/
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